production d'hydrogene
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Filière hydrogène : investir et décarboner l’avenir

L’hydrogène décarboné, c’est une révolution industrielle qui n’est pas que technologique : la science et les processus sont pour l’essentiel déjà maîtrisés. Tout le défi réside dans la massification de la production et le déploiement des infrastructures et services nécessaires aux nouveaux usages à grande échelle de ce vecteur d’énergie.  

L’hydrogène : un maillon dans la chaîne de la décarbonation de l’économie mondiale  

Quel que soit le scénario envisagé pour rendre l’économie mondiale neutre en carbone, l’hydrogène joue un rôle-clé. Complément essentiel pour les énergies renouvelables, vecteur de décarbonation pour les industries lourdes et le transport longue distance : c’est un pilier dans pratiquement toutes les stratégies de lutte contre le changement climatique présentées par les États et les grands acteurs économiques, au même titre que les actions en faveur de la sobriété énergétique ou l’électrification des besoins en énergie à partir de sources non émettrices de carbone. L’hydrogène n’est donc pas un « game changer » à lui tout seul, mais plutôt une « pièce du puzzle » : selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie (IEA), les technologies fondées sur l’hydrogène représentent 6 % de l’effort global à produire pour atteindre le « zéro émission » en 2050. 

C’est quoi la « filière » hydrogène ?  

Le défi posé par l’hydrogène consiste principalement en un changement d’échelle : passer d’une production de moins de 100 tonnes par an actuellement à plus de 1 000 tonnes à l’horizon 2050. Pour répondre aux besoins des nouveaux usages, décarboner et faire baisser le coût de cette production, il est nécessaire d’investir simultanément dans plusieurs domaines qui constituent la « filière » hydrogène proprement dite : 

  • production d’hydrogène bas carbone : déploiement et optimisation des électrolyseurs ; augmentation des capacités de production d’électricité renouvelable et des dispositifs de capture et de stockage de carbone sur les sites industriels (CCUS) ; 
  • développement des capacités de stockage et de distribution : stations de ravitaillement, circuits logistiques, gazoducs, stockage souterrain et de surface, etc. ;
  • industrialisation d’équipements consommant de l’hydrogène : véhicules, fours, chaudières, etc.
700 milliards d'€

C’est le montant des investissements nécessaires dans la filière hydrogène d’ici à 2030 pour atteindre les objectifs de neutralité carbone globale en 2050.

Réglementation et financement public 

États et acteurs économiques publics sont en première ligne pour initier ce changement d’échelle. Il s’agit notamment d’accélérer l’adaptation du droit et de la réglementation aux objectifs de développement de la filière. Le chantier est par exemple colossal dans le domaine de la conformité et de la sécurité. 

Au sein de l’Union européenne (UE), l’enjeu porte aussi sur l’adaptation des règles communautaires. Fin 2021, l’UE a ainsi adopté de nouvelles lignes directrices sur le climat, la protection de l’environnement et l’énergie (Climate, Energy and Environmental Aid Guidelines, CEEAG). Alors que le traité de Rome interdit les aides d’État aux entreprises, ces directives introduisent des exceptions lorsqu’il s’agit de faciliter les activités favorables à l’environnement, et certains projets combinant électricité renouvelable et électrolyseur ont déjà pu en bénéficier

Une dynamique mondiale

17 pays

ont publié une stratégie hydrogène.

De fait, un second enjeu public majeur réside dans l’octroi de financements incitatifs, qui permettent généralement de démultiplier par effet de levier l’investissement privé dans la R&D, les démonstrateurs et les projets industriels novateurs. Le mouvement est mondial : aux États-Unis, par exemple, l’Inflation Reduction Act (IRA) adopté en 2022 vise d’abord malgré son nom – à développer les technologies décarbonées, avec des crédits d’impôt et une enveloppe de 7 milliards de dollars pour créer des « bassins hydrogène » régionaux. En Europe, la stratégie publiée par la Commission en juillet 2020 prévoit d’augmenter progressivement la part de l’hydrogène dans le mix énergétique – une ambition renforcée récemment par le plan REpowerEU conçu à la suite de la guerre en Ukraine, afin de rendre l'Europe indépendante des combustibles fossiles russes bien avant 2030. En pointe sur le sujet, l’Allemagne table sur une consommation multipliée par trois d’ici 2050 et investira 7 milliards d'euros dans sa filière. En France, la filière fait l’objet de vastes plans d’investissement public : 7 milliards d’euros sur dix ans dans le cadre de la stratégie nationale annoncée en juillet 2020 ; et 1,9 milliard d’euros supplémentaires dans le cadre du plan France 2030 présenté en novembre 2021. 

Nombre de projets et coût pour l'hydrogène

Des investissements privés massifs

Stimulées par les stratégies publiques, les entreprises montent en puissance et consacrent une part croissante de leurs investissements à l’hydrogène. Au total, 680 projets d’ampleur sont actuellement recensés, pour un montant total d’environ 240 milliards de dollars annoncés d’ici 2030, dont 10 % représentent des projets à un stade avancé : opérationnels, en construction ou faisant l’objet d’une décision d’investissement actée. Environ 40 % de ces investissements sont concentrés dans la région Asie-Pacifique, suivie par l'Europe (environ 35 %). Ils concernent aussi bien la production en amont que l’aval, ou bien encore le financement des fournisseurs de technologies liées à l’hydrogène. 

Le plus grand fonds dédié aux infrastructures d'hydrogène décarboné 

Aux côtés d’Air Liquide, de TotalEnergies et d’autres grandes entreprises internationales, VINCI a lancé, fin 2021, le plus grand fonds d’investissement mondial dédié aux infrastructures d’hydrogène décarboné. Géré par Hy24, ce fonds doté de plus de 1,5 milliard d’euros investira, en qualité de partenaire aux côtés d’autres grands développeurs et/ou acteurs industriels, dans de grands projets d’hydrogène décarboné, aussi bien dans les secteurs amont que dans les secteurs aval. En fédérant des acteurs industriels internationaux autour de projets structurants, il a pour ambition de générer quelque 15 milliards d’euros d’investissements dans la filière d’ici 2028.