Sécurité des ponts : le chantier du siècle
Une robustesse à toute épreuve, des blocs de béton fermement ancrés au sol pour l’éternité. C’est souvent l’image qu’on a des ponts, et pourtant ! Les conditions environnementales et flux de mobilité accrus, entre autres, invitent à penser autrement et à renforcer leur gestion. De leur recensement à la réparation, en passant par une surveillance et un entretien régulier, les entreprises interviennent aux côtés des acteurs publics. L’enjeu : préserver ces structures vitales à la mobilité dans les territoires et la sécurité de ceux qui les empruntent.
Ces images ont fait le tour du monde : le 14 août 2018 à Gênes, le pont Morandi s’écroule. Rapidement, les pays voisins élaborent des plans pour éviter qu’un accident similaire ne se produise chez eux. Alors, comment renforcer la fiabilité de ces structures pour permettre à des milliers d’automobilistes d’y circuler chaque jour et en toute sécurité ?
Sécuriser les ponts, un enjeu essentiel
Qu’est-ce qui menace les ponts ?
On les pense éternels, mais les ponts aussi ont des durées de vie : à leur conception, on vise entre 70 et 100 ans – un chiffre qui varie selon le type de pont, l’usage, la technique de construction, etc. Leur vieillissement, régi par la dégradation des matériaux, s’explique par plusieurs facteurs. Environnementaux d’abord, l’eau et l’air pouvant entraîner la corrosion des armatures métalliques. Ainsi en Europe, la plupart des 800 000 ponts routiers ont été construits après-guerre à partir d’acier et de béton, deux matériaux vulnérables à ces différents facteurs. À ceci s’ajoutent les manifestations climatiques, qui fragilisent les structures : sécheresses, tempêtes... Autres explications à la dégradation dans le temps : l’intensité du trafic qu’ils doivent supporter ou encore le défaut d’inspection et d’entretien.
En France, un plan d’action est lancé
Quelques mois après l'épisode de Gênes, le Sénat lance une mission d’information, sorte d’état des lieux sur la sécurité des ponts. Publié six mois plus tard, fin juin 2019 (et actualisé en 2022) ce dernier appelle à la mobilisation pour améliorer la gestion de ces structures.
Quelques mois plus tard, un plan est lancé. Objectif ? Améliorer la surveillance et réaliser les travaux d’entretien et de réparation indispensables à une gestion optimale des infrastructures nationales. Avec des actions ciblées concernant les ouvrages communaux.
En France, 30 000 à 35 000 ponts seraient en mauvais état structurel.*
* Selon la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat
Les étapes clés : recenser, surveiller, diagnostiquer, entretenir, réparer, déconstruire
État, collectivités, concessionnaires et constructeurs sur le pont
Ce « chantier du siècle » demandé par le Sénat est mené par les gestionnaires de ces ouvrages d’art. Car à chaque type de pont correspond un type d’acteur responsable de son suivi : État, département, communes, intercommunalités, concessionnaires autoroutiers… Dans ce dernier cas, lorsque l’ouvrage se trouve sur un réseau autoroutier concédé à une entreprise privée, c’est cette dernière qui s’assure de sa surveillance, de A à Z. Sur le réseau VINCI Autoroutes, 7 000 ouvrages d’art sont inspectés régulièrement, parce qu’empruntés chaque jour par des centaines voire des milliers de véhicules, et si besoin, réparés. Pour cela, un cycle d’inspections et de visites est planifié : « On procède à différents types d’inspections : les visites annuelles, des visites qu’on réalise tous les trois ans et les inspections détaillées périodiques qu’on réalise tous les six ans. » indique Christophe Hug, directeur général adjoint en charge de la maîtrise d'ouvrage chez VINCI Autoroutes.
Pour assurer cette mission les gestionnaires sont accompagnés par différents experts : bureaux d’étude privés, centre d'études et d'expertise sur les risques, environnement, mobilité et aménagement (Cerema). Et bien sûr, les entreprises de travaux publics.
Surveiller l’état des ponts
La première étape, cruciale, est bien de réaliser un inventaire du patrimoine, c’est-à-dire de recenser ces ponts et de leur attribuer un carnet de santé permettant de suivre l’évolution de leur état et de programmer les actions de surveillance et d’entretien.
Or, les collectivités territoriales manquent encore aujourd’hui d’informations sur l’état de conservation de leurs ouvrages d’art courants. Les équipes spécialisées de Sixense, filiale de VINCI Construction inspectent les ouvrages dégradés et réalisent leur diagnostic afin de déterminer l’origine et l’ampleur des désordres constatés. Une étape indispensable à la définition des solutions pertinentes et pérennes. Au-delà de ces actions, les équipes développent des solutions permettant aux collectivités d’engager des démarches préventives en assurant un suivi continu de leurs ouvrages.
Elles ont par exemple réalisé la conception, la fabrication et l’installation du système de surveillance de la santé structurelle (SHMS – Structural Health Monitoring System) du pont haubané de Komárom, reliant la Hongrie et la Slovaquie. Il permet de suivre le comportement de la structure, d’alerter en cas d’activités anormales afin d’anticiper et de planifier les opérations de maintenance, et ainsi de sécuriser la structure.
Des opérations d’entretien et de réparation diverses
On procède ensuite à des opérations d’entretien préventives (courantes ou spécialisées), lorsqu’une dégradation est prévisible, puis si besoin à des réparations, lorsqu’une partie de l’ouvrage est effectivement altérée. Ces opérations sont diverses : entretien des chaussées des ponts, en remplaçant la couche de roulement par une nouvelle, plus légère et plus étanche ; remplacement des joints de chaussée... Autre opération de maintenance, menée par exemple en 2022 par les équipes de Freyssinet, filiale de VINCI Construction dans l’agglomération de Bordeaux : le resserrage des colliers de liaison des suspentes aux câbles porteurs du pont d’Aquitaine. Une opération indispensable, quand on sait que ces éléments supportent, in fine, la charge de la structure suspendue !
Lorsqu’aucune solution technico-économique de réhabilitation, d’évolution ou de renforcement n’est trouvée, l’ultime solution peut être de détruire le pont. Dans la Drôme en juin 2022, les équipes de VINCI Autoroutes ont détruit puis remplacé un pont autoroutier, construit en 1963, permettant à l’autoroute A7 de franchir la RN7.
Les technologies au service de la surveillance des ponts
Bonne nouvelle pour les acteurs attelés à la préservation et à la sécurité des ponts : les technologies sont un atout de taille, puisqu’elles limitent les travaux de réparation en assurant la maintenance préventive des ouvrages.
Dans le cadre du plan France Relance, le Gouvernement français les a placées au cœur d’un appel à projets, coordonné par le Cerema et intitulé « ponts connectés ».
17 projets lauréats seront ainsi expérimentés. Parmi eux, quatre groupements menés par des entreprises de VINCI Construction. L’un d’eux développe VIVOA, une solution d’inspection d’ouvrages basée sur l’analyse vidéo et l’identification automatique de désordres types grâce aux algorithmes d’intelligence artificielle.
Un certain nombre d’outils innovants sont déjà en place. En Grèce par exemple, le pont Rion-Antirion, conçu, financé, construit et opéré par VINCI, est équipé de plus de 80 capteurs : stations météorologiques, accéléromètres sur les ponts, pylônes et haubans, etc. Ces capteurs assurent une surveillance active permettant de mieux cibler les inspections et d’organiser des actions préventives plus efficaces.
Objets connectés, intelligence artificielle, big data… autant de solutions d’avenir prometteuses pour répondre à un enjeu majeur.
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