Quelles solutions pour accélérer le développement des mobilités partagées ?
La mobilité routière est responsable de 95 % des émissions de CO2 du transport terrestre. La voiture est, et restera majoritaire, dans les décennies à venir, pour les trajets du quotidien. Comment alors adapter voire transformer les infrastructures routières et autoroutières pour accélérer l’usage des mobilités partagées : covoiturage, navettes autonomes, bus, plateformes multimodales…
Pour réduire le coût environnemental des déplacements quotidiens en voiture, trois leviers d’action. Le premier : le report modal. Les usagers des véhicules individuels troqueraient alors leur voiture pour d’autres solutions de transport. Force est de constater qu’une majorité de la population n’a pas d’autre solution que la voiture pour parcourir parfois de nombreux kilomètres dans ses trajets du quotidien. Deuxième levier d’action : accélérer la décarbonation des véhicules. C’est possible, c’est en cours, et ça prendra du temps : jamais autant de véhicules électriques n’avaient encore circulé sur les routes. Troisième solution : intensifier les usages de la route. C’est à dire réduire le recours au véhicule individuel dédié à une seule personne (autosolisme) au profit d’une mobilité partagée. Pour ce faire, un impératif : faire de la mobilité partagée l’allié facilité, sécurité, fiabilité, rapidité et économie des usagers.
Covoiturage, navettes autonomes, vélos et scooters partagés en libre-service… Dans quelle mesure les mobilités se réinventent-elles dans les territoires pour concurrencer ou compléter l’usage de la voiture individuelle ?
Autosolisme : le comprendre pour le combattre
Parce qu’on ne peut agir que sur ce que l’on comprend, le baromètre de l’autosolisme de VINCI Autoroutes mesure depuis 2021 le taux d’occupation des véhicules circulant sur autoroute aux abords de dix métropoles françaises. Cinq éditions ont passé, un enseignement demeure : la mobilité individuelle prédomine encore et toujours dans les déplacements quotidiens. La loi d’Orientation des mobilités (LOM) de 2019 qui partageait ce constat a d’ailleurs ouvert la voie un programme d’investissements destiné à imaginer, expérimenter et déployer des solutions dédiées à une mobilité plus propre, favorisant une logique de partage plutôt que de possession.
Faible taux d’occupation des véhicules individuels en heure de pointe
Les résultats du dernier baromètre révèlent que plus de 8 conducteurs sur 10 réalisent leurs trajets quotidiens en solitaire et que la moyenne de passagers s’élève à 1,24 par véhicule, à mettre en perspective avec l’objectif de 1,75 (d’ici 2030) fixé par la Stratégie nationale bas carbone. La proportion d’autosolisme est toutefois moindre en-dehors des heures de pointe, descendant à 77 % en moyenne à 10 heures.
Écart entre l’intérêt pour l’autopartage et la réalité du quotidien
On relève pourtant une certaine appétence pour le covoiturage. Près de la moitié (47 %[1]) des habitués de la route témoigne ainsi d’un fort intérêt pour la pratique. Comment alors transformer cette inclination en routine ? Parmi les facteurs susceptibles de les motiver à sauter le pas, les répondants mettent en avant le déploiement de services de mise en relation ou d’une politique de rémunération incitatrice – un paramètre promu par le Plan national du covoiturage quotidien. Enfin, la mise à disposition d’équipements spécifiques au covoiturage est aussi nécessaire à leurs yeux. En clair, pour que les usagers concrétisent leurs envies d’autopartage il faut qu’ils y trouvent un intérêt concret : gain de temps, économies, facilité…
Le covoiturage sur la bonne voie
Des parkings de covoiturage…
Pour accélérer l’ autopartage, un mot d’ordre : la facilité. Les infrastructures routières doivent ainsi se transformer pour proposer des équipements et services adaptés aux habitudes d’usage des utilisateurs : des parkings sécurisés et gratuits sur les trajets du quotidien. Pas de détour ni de perte de temps, pas de surcoût - au contraire, un atout économique une fois la facture divisée entre covoitureurs. Ces équipements se multiplient déjà sur les routes du territoire national. VINCI Autoroutes propose par exemple sur son réseau 59 parkings de covoiturage gratuits.
… Reliés aux réseaux transports en commun
À ces espaces s’ajoutent des parcs relais ou multimodaux qui s’enrichissent de connexions à d’autres modes de transport. C’est le cas à Longvilliers (sur l’A10), où un parc multimodal combine parking de covoiturage, accès à des cars express et navettes autonomes reliant des gares franciliennes, ainsi que des bornes de recharge pour véhicules électriques et des emplacements pour vélos. L’objectif est simple : simplifier la vie des usagers et leur permettre de passer d’un moyen de transport individuel à un moyen de transport en commun facilement, sans perte de temps, et en toute sécurité.
Mob-Auto2, le projet de navettes électriques automatisées et connectées sur autoroute réunissant VINCI Autoroutes, Milla Group, Savac et l’université Gustave Eiffel, sera bientôt expérimenté sur l’A10 pour relier le pôle multimodal de Longvilliers, la gare autoroutière de Briis-sous-Forges et la gare ferroviaire de Massy-Palaiseau. Les trois années d’expérimentation en conditions réelles de circulation pourraient constituer une première mondiale.
Du covoiturage au transport en commun
Le projet partenarial Trapèze, porté par un consortium associant la start- up ECOV, VINCI Energies, Nokia Bell Labs et le CEREMA, et piloté par VINCI Autoroutes vise à accélérer la transformation des usages de la route en remédiant aux difficultés qui freinent le développement du covoiturage et des voies réservées. Trapèze est un système de mobilités associant offre de services et infrastructures associées qui s’appuie sur trois piliers :
- Intermodalité : un réseau de lignes de covoiturage maillées et connectées aux réseaux de transports en commun ;
- Interactivité : une application dédiée pour faciliter et accélérer la mise en relation des usagers du covoiturage ;
- Fluidité : une voie réservée 2.0 et « intelligente » sur les axes les plus denses, réservée à certaines catégories d’usagers (dont les covoitureurs et selon des critères RSE définis par les territoires) en fonction du remplissage et de la fluidité de la circulation.
Et si le covoiturage donnait la priorité ?
Enfin, pour qu’autopartage rime avec gain de temps, des voies réservées aux véhicules en covoiturage – ainsi qu’aux transports en commun et aux taxis – sont expérimentées par les pouvoirs publics sur des axes structurants aux abords de grandes agglomérations – 52 km dédiés au covoiturage et 70 km aux transports en commun à fin 2023. Elles sont reconnaissables à leur signalisation « en losange ».
L’intermodalité au service du MaaS
L’alliance entre une infrastructure intermodale et une application servicielle préfigure en partie le concept de Mobility as a Service, ou MaaS. Ce modèle vise à encourager une multimodalité accessible et durable en centralisant l’ensemble des solutions de mobilité proposées par les acteurs privés et publics à l’échelle d’un territoire, sur une seule et même plateforme numérique qui permet aussi l’achat de titres de transport.
En la matière, la ville de Berlin fait figure de maître-étalon. Depuis quelques années, l’opérateur local BVG y a déployé Jelbi, une application permettant aux usagers d'accéder aux services de transports collectifs (métro, tram, bus) ainsi qu'à 11 offres de mobilité externes – voitures partagées, vélos et scooters électriques. L’accessibilité de ces solutions est simplifiée par leur regroupement physique sur des points ou stations Jelbi, véritables hubs de mobilité intermodale, positionnés à des lieux stratégiques. Depuis son lancement, la solution ne cesse d’attirer de nouveaux utilisateurs, avec 500 000 téléchargements et 220 000 inscriptions sur l’application début 2023, contribuant à faire reculer le recours au véhicule individuel dans la capitale allemande.
Ces différents exemples ne donnent qu’un aperçu des initiatives qui se déploient pour promouvoir une logique de mobilité partagée, durable et accessible. De nombreux modes de transport, plus ou moins novateurs, sont mis en place avec des succès contrastés. C’est le cas des navettes autonomes qui connaissent un certain essor dans des géographies spécifiques telles que les zones rurales où les alternatives à la voiture individuelle sont très limitées.
La dynamique de mobilité partagée est à renforcer car essentielle aux stratégies de décarbonation des mobilités routières.
[1] 4e édition du baromètre de l’autosolisme de VINCI Autoroutes
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